J'ai commencé "Le carnet de Grauku", poussée par ma meilleure amie à chercher au plus profond de moi ce que j'avais envie d'écrire (je n'avais alors aucun roman publié). Il m'a fallu trois ans pour l'écrire. C'est long, m'a fait remarquer mon éditeur plus tard. Certes, mais il fallait ça pour choisir, peser, digérer chaque mot. Etre dans le vrai sans être dans le pathos.
Le carnet de Grauku n'est pas un best seller. (D'ailleurs, je ne pourrais pas vous dire ce qu'il est d'un point de vue commercial , ce même éditeur ne m'a pas transmis les relevés de vente ! Je sais juste qu'il a trouvé un bel écho au Quebec)
Je sais par contre qu'il suscite parfois des réactions comme celles que j'ai reçue hier, et que je reproduis avec l'autorisation de son auteur, Virginie.
"J'ai créé un club de lectures pour adultes dédié à la littérature jeunesse, çalikoi un jeune ? j'ai présenté cette semaine votre roman, le carnet de Grauku.
Vous m'avez émue à un point, je me suis totalement laissée prendre au jeu et vraiment imaginé que c'était une ado, (je suis une ancienne grauku !!), évoquer à la fois la souffrance, la lassitude suite aux railleries ???
Et paf : à la fin je tombe sur votre postface ....
J'ai du savoir défendre le livre, il a été emprunté immédiatement par une femme, un peu ronde. Elle me l'a rendu, j'ai osé la questionner en douceur et elle ... avait les larmes aux yeux.
Le contexte n'était pas des plus favorables pourtant : l 'une et l'autre sortions de souviens-toi Léah de Yaël Hassan (sur la shoah), un livre puissant à souhait.
Puis je découvre le vôtre : 'avalé' en un week-end ! Tout est juste, c'est bête à dire : je pensais être un peu seule face à mes psychose alimentaires (rires)."
Merci Virginie. Merci à toutes celles et à ceux (il y en a eu !) qui m'ont prouvé que ça valait le coup d'aller au fond des choses.
J'écris actuellement un troisième roman adolescent, sur un thème différent, mais qui me tient aussi très à coeur. Je n'ai pas trois ans pour rendre mon mansucrit (la couverture est déjà choisie !), mais je continuerai à peser mes mots, et mes maux...
PS : j'illustre ce billet avec la couverture créée à partir d'une photo de Christine Spadaccini. Ce n'est pas celle du livre qu'on trouve actuellement dans le commerce, mais c'est celle que je préfère !
J'ai reçu ce matin ce commentaire sur mon blog. J'ai eu envie de le transformer en billet, pour qu'il soit lu par tous ceux et celles que le Carnet de Grauku a touchés. Ceux-là savent qu'il ne s'agit pas d'auto-satisfaction, mais de partage.
Bonjour « Madame l'auteur »,
J'ai eu envie de vous envoyer un mot en fermant le « Carnet de Grauku » que je venais de lire d'une traite et la gorge serrée. Je n'ai pas l'habitude d'écrire aux auteurs, à vrai dire c'est la première fois. Mais il est de ces livres que l'on pose, le souffle coupé en se demandant comment un texte peut à se point être «juste». « Non mais oh, vous vous rendez-compte de l'effet que font vos livres ???!!!! ».
Je ne suis pas ado loin s'en faut. Je ne suis pas mère d'adolescente anorexique. Mère de deux garçons, l'aîné de 14 ans a été suivi pour des problèmes de poids (tiens, tiens...mais ceci est une autre histoire, enfin peut-être pas tout à faite « autre » !)
Votre livre m'a émue aux larmes. Il n'y a pas un mot de trop, et pas un qui manque ! Sans esbroufe, sans effets, il est d'une vérité et d'une émotion incroyables. J'aime qu'il ne soit pas manichéen et ne nous rebache pas les poncifs à la Delarue « l'essentiel c'est de s'assumer ». Rien n'est si simple « oui quand Manon maigrit le regard des autres change » mais « non cela ne résout rien et la douleur, la pulsion se déplace avec les limites du contrôle ». La profondeur du personnage et de ses rapports avec les autres m'ont aussi replongée dans plein de choses vécues.
Votre livre m'a parlé, m'a remuée, secouée, saisie, et est entré en résonance avec moi (vous savez comme ces ponts qui rencontrent un vent qui correspond à leur longueur d'onde et se mettent à osciller de plus en plus). J'ai eu des troubles du comportement alimentaire, toute mon enfance-adolescence et à nouveau il y a quelques années. Rien à voir avec une envie de minceur, j'ai fait les choses à l'envers, j'étais très mince (je suis à présent désespérément ronde) parce que je ne pouvais pas manger à cause d'une phobie. Je ne me suis donc jamais identifiée avec les héroïnes anorexiques de roman. Mais avec Grauku, j'ai été débusquée dans mes retranchements. Cette volonté de contrôle cette escalade dans la limitation de ce qui rentre dans le corps (enfant jet adolescente, je mangeais seulement une dizaine d'aliments différents et encore à certaine conditions...), je l'ai reconnue, je me la suis prise en pleine face dans la vérité de ce qui se passe en Manon.
Comme tout les livres qui m'ont fait vibrer, je vais l'offrir à ma nièce de 15 ans, une ado adorable, fondue de lecture et pas très à l'aise dans sa peau de gamine ayant, tiens donc, des soucis de poids et de rapport à la nourriture. Qu'il lui soit salutaire ! Et oui, ça fait aussi du bien de regarder, couché sur papier, par procuration, tous ses tourments et démons familiers ; une façon de les tenir à distance, de les mieux comprendre ?
Merci Mme Laroche pour tant d'émotion. Parce que toute cette émotion et l'espoir qui l'accompagne , et bien c'est du bonheur ! Forcément.
Écrit par : Dominique | 06.02.2012